[APRES COUP] Les Vagues V.WOOLF / Aurore JESSET

Les Vagues de Virginia Woolf au Théâtre du Soleil, Automne 2016
Création de l’Atelier Hors Champ
Mise en scène de Pascale Nandillon et Frédéric Tétart
Prochaines représentations 22 et 23 novembre au Mans, sur la scène de L’Espal
Autres dates à suivre sur internet
Les Vagues
Article écrit par Aurore Jesset*
Tout se passe autour de l’absence, de l’attente. Du manque fait causer. Des hommes et des
femmes questionnent le sens des choses, de l’existence. Ils se passent la parole dans une continuité scandée par « les vagues ». L’adaptation et la mise en scène des Vagues de Virginia Woolf par Pascale Nandillon et Frédéric Tétart concilient avec brio, la profondeur du texte et le lyrisme sensuel de la prose de la grande écrivaine. L’Atelier Hors Champ avec ses comédiens remarquables réalisent une prouesse délicate par l’invitation sur les planches d’un texte introspectif, philosophique et existentiel.

Pour entrer dans Les Vagues, c’est d’abord la douche froide assurée. Le lâcher prise s’impose. Le spectateur s’invite ou pas, à circuler entre le réel et le foisonnement poétique, de la gravité terrestre à l’envolée lyrique.
« Les Vagues » nous ballotent dans un va-et-vient entre pulsion de vie et pulsion de mort. L’écriture de Virginia Woolf explore la béance entre deux battements, ainsi que la fragile limite entre une chose
et son contraire.

Le découpage textuel, l’interprétation des comédiens, ni dedans, ni dehors, l’utilisation de grandes cloisons transparentes, celle de l’image par la caméra traduisent avec justesse et inventivité l’univers
de l’illustre poétesse. Rendre compte des relations humaines, de la vie, ressenties, écoutées, regardées, interrogées en étant dedans tout en étant spectatrice où l’intérieur et l’extérieur se confondent, n’est-ce pas ce dont Virginia Woolf témoigne dans son oeuvre littéraire ?
Des amis convoquent l’instant présent dans un même espace. Du passé émerge par des souvenirs.
D’abord, on les voit ensemble, puis très vite chacun se détache du groupe par son style, ses
déplacements, ses mots. Chacun se décline dans son expérience des choses, dans son rapport au monde, qu’il soit à côté des autres voire avec eux. De la solitude malgré les autres. Tous sont traversés par des questionnements, des impressions tournés vers le même sujet, la vie. Leurs mots arrivent comme une seule voix qui se passe d’un autre à un autre. De la différence et du semblable se mêlent. Partie et globalité, morcellement et universalité se côtoient partout dans l’oeuvre de Virginia Woolf. La problématique existentielle n’est-elle pas faite de ce mouvement infini d’un état à l’autre, vaste circuit d’allers-retours singuliers ?

Ici, Les mots de Virginia Woolf et la caméra se répondent, se soutiennent dans un même langage qui tente de nommer ce qui se dérobe dans un flux et reflux permanent. En toile de fond, la pénombre et ses magnifiques clairs obscurs nous accompagnent dans l’intimité, celle du livre, pour une plongée en soi, et vers le monde.
De l’identification et de la représentation ouvrent peu à peu le champ de l’abstraction par l’effet imaginaire et symbolique des mots par leur rapport au signifiant et par la dilution optique du point focal d’une image vers un au-delà de la forme. La création de l’Atelier Hors Champ traduit ainsi avec finesse la dimension poétique de Virginia Woolf.
Et tout est mouvement. D’un bout à l’autre de la pièce le ressac des vagues nous ballote, et mieux vaut ne pas céder à la peur en s’agrippant au rocher au risque d’y être plaqué et de manquer la victoire du vivant. En effet, l’issue de la création de Pascale Nandillon et de Frédéric Tétart est pleine d’optimisme. Les dernières paroles rendent hommage à la vie, on y entend le désir, tout comme au commencement, causé par le manque, ce mouvement psychique qui anime notre quête existentielle d’un bout à l’autre de nos vies respectives.
Et la lumière éclaire intensément cette dernière parole de la pièce pour nous dire l’espoir, car malgré les affres de l’existence logés dans les intervalles entre deux pulsations, la vie continue.
*Psychanalyste, Les Arts et des Mots
En italique concepts psychanalytiques

 

Le texte sur le site de Aurore JESSET (www.aurorejesset.net)

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