« Nous pour un moment » à l’Odéon Atelier Berthier, une belle forme pour un fond dense.

Stéphane Braunschweig pour sa nouvelle création esthétise la pièce « Nous pour un moment » de l’écrivain et dramaturge norvégien Arne Lygre. La mise en scène et l’interprétation pardonnent les quelques faiblesses du texte et dédommagent pleinement notre plaisir de spectateur. 

Deux grands panneaux blancs à  angle ouvert plantés au fond du plateau, des chaises blanches et  sur une des chaises Chloé Rejon. Ceux qui ont assisté au chef d’oeuvre du couple Braunschweig-Rejon à La Colline en 2009, pense à  l’inoubliable Nora dans La Maison de poupée d’Ibsen. Et redoutent que le metteur en scène ne sache se renouveler; mais ces inquiétudes se délayent vite dans une scénographie inventive contributive et foncièrement signifiante. Braunschweig se réinvente lui même, belle surprise de la pièce tant il  est rare qu’un metteur en scène à succés ne se repose pas sur ses lauriers. Une autre surprise se fonde dans le merveilleux de la mise en scène au décor dépouillé et pur. L’ensemble est planté dans un bassin d’eau car aucun point d’appui n’est stable dans la durée selon la théorie de la société liquide du  sociologue Zygmunt Bauman. Peut être aussi l’eau figure nos inerties à avancer et ce à quoi toutes nos paroles dites se mesurent en feignant de l’oublier, la pataugeoire de tous les mots inutiles  

« Nous pour un moment » aligne des scénettes aux situations de conflit, de séparation et de trauma. Un des principes d’écriture consiste en la transformation d’un personnage en un autre à la séquence suivante. Un moment de grâce, et il y en a beaucoup dans la pièce, nous est offert lorsque Chloé Réjon se transforme en son propre mari une fois qu’elle est morte.  La comédienne féline impressionne, elle saisit le public avec force. Le reste de la troupe est au diapason. Mention spéciale pour le toujours parfait Jean Philippe Vidal et pour Virgine Colemyn  qui  défend une des plus belles scènes de suicide jamais vues.

Arne Lygre décrit le quant à soi lorsqu’il se confronte à la nécessité de communiquer. Les paroles dites sont vidées de leur affect; la violence est renvoyée au loin. Chaque personnage dans une difficulté à se faire comprendre tente une fausse authenticité mais ses aveux ne savent que contourner celui en face, cet autre qui s’annule dès que l’on ouvre la bouche pour parler. Tout n’est que je, sauf dans une scène d’annonce, sommet d’un trauma: –vous dites mes condoléances, vous dites merci. Sauf aussi dans un scène idéale où l’autre est l’un et où le suicide se convertit en un assassinat sur soi même. Sommes nous vraiment en lien les uns avec les autres ? Sommes nous les ennemis de nous même ? La pièce à ne pas rater posent ces question et beaucoup d’autres. 

 

Nous pour un moment d’Arne Lygre, mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig, création — durée 1h35, du 15 novembre au 14 décembre – à l’Odéon Atelier Berthier 17e

Crédit Photos @ElizbethCarecchio

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