Mercredi 27 Mai: Doreen d’après Lettre à D. de André Gorz, écrit et mis en scène David Geselson

Tu viens juste d’avoir quatre-vingt-deux ans. Tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais. Récemment je suis retombé amoureux de toi une nouvelle fois et je porte de nouveau en moi un vide dévorant que ne comble que ton corps serré contre le mien.


Le 22 septembre 2007, André Gorz se suicide à l’âge de 84 ans avec sa femme Dorine, atteinte d’une maladie incurable. Toujours passionnément amoureux depuis ce fameux soir neigeux d’octobre 1947 où il avait osé l’inviter à danser, André Gorz contemple par-dessus son épaule ces cinquante-huit années de vie commune, parfois semées d’obstacles mais toujours affrontées à deux. Lettre à D. d’André Gorz est un récit sous forme d’une lettre d’adieu intime et émouvante que l’intellectuel de 83 ans, co-fondateur du Nouvel Observateur et spécialiste entre autres de la crise du capitalisme, adresse à sa femme Dorine un an avant de se donner la mort ensemble, après presque 60 ans d’amour.

En s’inspirant de Lettre à D. d’André Gorz publié en 2006, David Geselson invente ce qu’auraient pu être les échanges du couple au fil de leurs presque 60 ans d’amour et de vie commune interrompus par la maladie et la mort dans Doreen.


Critique de la pièce Yael Hirsch pour Toutelaculture : Le comédien, auteur et metteur en scène est un fan du penseur de gauche, écologiste qu’était Gorz. L’homme né en Autriche en 23 est devenu français sous le nom de Gérard Horst. Ami de Sartre, il a notamment écrit pendant la grande époque des Temps Modernes. En 1947 il rencontre Doreen qu’il trouve « belle comme un rêve ». … Le spectacle permet de revenir sur leur histoire qui a duré 58 ans. L’enjeu pour David Geselson était d’adapter cette Lettre à D qui l’obsède depuis des années, en théâtre. L’idée géniale fut de nous transporter dans l’intimité de ce vieux couple aux colères intactes. Le public est assis partout autour d’eux. Nous sommes dans leur salon moquetté où une grande table est garnie de vins, de jus de fruits et de victuailles. Doreen (Laure Mathis) et Gérard (David Geselson) nous reçoivent chez eux, nous invitent à nous servir. C’est donc, avec un verre à la main et à grande proximité des comédiens que nous sommes les voyeurs de leurs disputes aux accents très intellectuels. Les livres de Léon Trotski, d’Hannah Arendt ou Claude Levi-Strauss croisent les traités de médecine et les articles sur l’esclavage automobile dans cette pièce à la lumière chaleureuse. … Finalement, la lettre est peu utilisée, elle est à disposition, on peut la feuilleter, lui en lira des passages. Elle devient le prétexte a revenir sur les combats de Gorz. En interview, David Geselson le décrivait de la sorte : »Dans Doreen on vient vraiment raconter une histoire d’amour de gens qui sont très engagés politiquement. André Gorz est le père de l’écologie politique, c’est l’homme qui a pensé de manière très intéressante en France la réduction du temps de travail, la décroissance, la redistribution du travail… »


Nous discuterons de théâtre lorsque il est mensonge et parce qu’il n’est rien d’autre, justement ; et que s’empilent toujours le mensonge du comédien, le mensonge du spectateur qui feint d’y croire. Ou seul le texte détient une vérité. Le héros lance la pièce par un En vérité je mens. Ce que je représente est déjà faussé. Est ce lui qui parle ou le comédien au milieu de sa représentation, ou les deux?

Nous discuterons du statut du comédien philosophe qui veut savoir comment vivre en philosophe face au trauma, face à l’autre et son désir, face au réél de la maladie, face à la magie aussi de cette mère-touterelle.

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