L’année de création de Créanciers de Strindberg, 1889, Freud est à Nancy dans le service de Bernheim qui travaille sur l’hypnose et la suggestion. Selon lui les phénomènes dits hypnotiques ne sont donc en réalité que des phénomènes de suggestibilité.

Bernheim explique le pouvoir de la suggestion par « l’idéodynamisme », phénomène par lequel toute idée tend à devenir acte. Cette force du langage tient à la « crédivité » que chacun d’entre nous attribue aux mots. La créditivité n’est pas la crédulité.
Bernheim critique enfin l’école de la Salpêtrière dont le chef de file, Charcot, conçoit l’hypnose comme un état propre à la névrose hystérique. L’hypnose comportait trois états pour Charcot, Bernheim soutient que ces états sont parfaitement artificiels et les qualifie « d’ hypnose de culture ».
En vue de notre débat de ce soir et parceque la pièce parle de manipulation et de regards, je publie un extrait du livre publié par Hippolyte Bernheim sur ces travaux.
Certains états d’âme peuvent, en augmentant la crédivité, imposant l’idée avec plus de force, ou en stimulant la puissance idéodynamique, favoriser certains modes de suggestibilité. Telles sont certaines émotions, foi religieuse, passions vives, amour, colère, haine, entraînement de l’exemple. La raison, aveuglée par la passion, ne sert plus de contrepoids à la suggestion passionnelle. Ainsi agit aussi une parole persuasive et empoignante. Le sentiment est souvent plus persuasif que le raisonnement. La façon de dire vaut mieux que ce qu’on dit. Lisez les discours de Gambetta ou entendez-les débités d’une voix monotone qui ne dit rien à l’âme. Ont-ils la même vertu persuasive que lorsque le grand tribun les prononça du haut de la tribune avec sa voix sonore, son geste expressif, sa chaleur communicative qui suggestionnaient les masses ? Parmi ces états d’âme qui augmentent la suggestibilité est le sommeil. Le sommeil n’est pas un état d’inconscience ; c’est un autre état de conscience dans lequel les facultés de contrôle sont engourdies ; l’activité cérébrale automatique, due aux facultés d’imagination, non réprimée par la raison, a tout son jeu. Toutes les idées fortuitement réveillées dans le sensorium au choc de la réminiscence, ou à la suite d’impressions périphériques, sensitives et viscérales, deviennent plus lumineuses ; tout un cinématographe vivant est évoqué par le sommeil dans cet appareil cérébral peuplé de clichés souvenirs qui se déroulent au hasard, sans régulateur vigile. Les idées spontanément écloses deviennent images, les rêvasseries flottantes, balayées par le contrôle à l’état de veille, deviennent hallucinations pendant le sommeil. Le sommeil donc exalte la suggestibilité, d’une part, parce qu’il augmente la crédivité en supprimant le raisonnement, d’autre part, parce qu’il augmente la force idéodynamique par la prédominance des facultés d’imagination ; ce sont ces deux éléments qui constituent le mécanisme de la suggestion.
Hippolyte Bernheim : De la suggestion
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