Au bord

Claudine Galea a écrit un texte autour de sa sidération face à une photo fascinante et terrifiante. Elle y dissèque son regard porté sur l’horreur. La pièce est un coup de poing à couper le souffle.

Une femme tient un homme en laisse

En 2004, la photo d’une jeune militaire américaine tenant en laisse un prisonnier nu et à terre dans la prison d’Abou Ghraib en Irak paraît dans la presse. L’écrivaine, Claudine Galea, la découvre et, sous le choc, l’épingle sur son mur de travail. Pendant quinze mois, elle va tenter d’écrire, de décrire et d’explorer ce qui se réveille en elle au plus profond de son intime. Son regard porté sur cette photo va extraire une partie d’elle-même aux frontières de son sadomasochisme, de sa libido, de son rapport érotique au monde. Elle parviendra à dépunaiser la photo, mais la trace optique survivra. La photo est en elle pour toujours.

Sous hypnose

Le texte est déconstruit, il est une parole libre de toute résistance, comme sous hypnose. Il est en même temps construit autour de répétitions, de décalages, de fausses rondeurs, d’allers-retours, de pliures entre réalité et rêve. L’autrice passe et repasse sans s’épuiser à l’endroit où l’œil communique avec la psyché. Elle parviendra à articuler, dans le jaillissement d’une langue poétique et crue, ce que l’image grave au plus profond de l’âme, les rapports de pouvoir, les volontés d’emprise et d’humiliation. Elle parviendra à exhumer des lambeaux de son enfance, des franges de sa sexualité.

Une pièce sur le regard

Le texte est érotique, érotisé, charnel et souvent l’affect nous déborde. Marine Gesbert a imaginé un dispositif en double frontal au sein duquel la comédienne se produit telle une mannequin d’un défile de mode, ou une louve d’un lupanar. Pieds nus, chemisier blanc, elle s’offre au texte et à son public.  Elle s’exhibe et laisse venir à elle le débordement. Elle est Galea. Sa voix résonne en nous. La comédienne est inoubliable. La tension érotique du texte est massive cependant que dans une pliure entre fascination et dégout. L’ambiance de la salle est celle d’une messe figée dans le temps. On ne sort pas indemne de Au Bord et l’on prédit une belle carrière à Marine Gesbert.

 

Au Bord de Claudine Galea
JEU, MISE EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHIE
Marine Gesbert
COLLABORATION ARTISTIQUE
Christophe Patty
LUMIÈRES
Véronique Boisi

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