Caroline Guiela Nguyen avec Valentina aux Abbesses, théâtre de la ville conçoit une forme théâtrale ramassé, portée par un récit oscillant entre réalisme âpre et poésie fantastique, écrit comme un conte intemporel pour enfants, tout en condensant de nombreuses problématiques contemporaines. Son art maîtrisé de la mise en scène, allié à l’immense talent des interprètes, donne naissance à un véritable enchantement.

Après Lacrima, au succès en demi-teinte en raison d’un propos jugé simpliste sur la mondialisation, elle revient à l’essence de son talent de conteuse, renouant avec une poésie sensible et lumineuse.

Elle imagine une histoire touchante et merveilleuse : une fillette de neuf ans accompagne sa mère roumaine venue en France pour soigner une grave maladie cardiaque. Au début, ni l’une ni l’autre ne parle français, ce qui complique – avec humour mais aussi une certaine amertume – la communication avec le personnel médical et scolaire.

Tandis que Valentina apprend rapidement la langue, elle découvre aussi, presque malgré elle, l’art du mensonge. Ce lien entre l’apprentissage d’une langue étrangère en tant qu’allophone, l’accès aux soins, et l’imaginaire enfantin donne naissance à une trouvaille théâtrale puissante.

Le drame prend toute sa force dans cette nécessité de traduire l’indicible, dans ces vérités impossibles à dire. Nous sommes à la pliure d’une épaisse reliure : celle de l’enfance et des adultes, celle de Paris et de Bucarest, des privilégiés et des laisser pour compte, entre la réalité et la fantaisie, entre le corps et l’esprit, entre les espoirs et les malheurs. À mesure que le pronostic vital de la mère s’aggrave, la petite Valentina déploie une imagination de plus en plus vive, inventant des mensonges toujours plus sophistiqués dans le seul but de sauver celle qu’elle aime.

La scénographie, entièrement centrée sur l’enfant, souligne cette tension dramatique. La jeune comédienne est bouleversante. Face à elle, Chloé Catrin, dans un double rôle de médecin et d’institutrice, habite l’espace avec une anxiété palpable, que viennent apaiser les violons slaves de Paul Guta (virtuose de gipsy jazz) et du jazzman klezmer Marius Stoian.
L’ensemble est intelligement merveilleux et émouvant.
Texte et mise en scène Caroline Guiela Nguyen
Assistanat à la mise en scène Amélie Enon et Iris Baldoureaux-Fredon
Dramaturgie Juliette Alexandre
Scénographie Alice Duchange
Vidéo Jérémie Scheidler
Lumière Mathilde Chamoux
Son Quentin Dumay
Musique Teddy Gauliat-Pitois
Maquillage Emilie Vuez
Avec
Chloé Catrin
Loredana Iancu
Marius Stoian
Paul Guta
Angelina Iancu et Cara Parvu (en alternance)
Crédit photos DR
Vu le 8 juin 2025

