Louise Vignaud créé sur un texte de Myriam Boudenia une remarquable pièce humaniste autour de nos vulnérabilités, nos désirs, nos fantasmes, nos échecs.


La métaphore « la tête sous l’eau » illustre souvent la sensation d’être débordé, qu’il s’agisse d’une surcharge de travail ou d’autres pressions. Lorsqu’une personne dit « j’ai la tête sous l’eau », elle évoque son incapacité momentanée à faire face à ses responsabilités. Ironiquement, cette image s’inverse lorsque cette même expression décrit la situation d’un individu ayant perdu son emploi, qui s’enfonce sans parvenir à respirer à la surface, espérant au fond du gouffre retrouver la force de remonter.

Ce puissant récit est tiré d’un texte écrit en 2016 dans le cadre du Festival En Acte(s). Créé en octobre 2014 sous forme d’une publication mensuelle, puis devenu une session annuelle en 2017, le festival est porté par Julie Guichard et Maxime Mansion, en partenariat avec la SCAD, Les Tréteaux de France, le TNP de Villeurbanne et l’Ensatt à Lyon. Il explore notamment cet antagonisme subtil autour d’une périphrase dont l’interprétation reste délibérément ambivalente, laissant à l’autrice la liberté de choisir son sens.


Myriam Boudenia ne tranche pas, elle invite à la réflexion avec une optimisme passionnée. Sa pièce capture avec authenticité et humanité la complexité des émotions. Lorsque Irène est licenciée, c’est dans une piscine, sous l’eau, qu’elle trouve un refuge et une forme de réparation. L’autrice interprète cette métaphore de façon littérale, révélant la puissance de la symbolique. Julien, océanographe devenu livreur à vélo, croise son chemin, incarnant cette quête de renouveau. De son côté, Delphine, étudiante, cherche sa voie à travers la révolution. Autour d’eux, des employés, un conseiller Pôle Emploi, un conseiller bancaire, s’efforcent de maintenir une routine urbaine, mais derrière cette apparente normalité, un licenciement est un deuil à surmonter. Et un deuil, comme le montre la pièce, doit être traversé, pensé, vécu pour devenir une étape de transformation.

Le texte de Myriam Boudenia est un plaisant casse-tête, autre métaphore. La mise en scène de Louise Vignaud adhère à cette hésitation et nous circulons d’impasses en tourments, d’espoir en attente. Dans un décor épuré, Vignaud chorégraphie une suite d’entrées et sorties dynamiques. La pièce est défendue par Masiyata Kaba, Thomas Cuevas, Alice Rodanet, Arron Mata, quatre élèves apprentis comédiens talentueux en troisième année de l’ERACM – Ecole Régionale de Cannes et Marseille – en insertion professionnelle, au Théâtre de la Criée, Marseille. Thomas Cuevas en particulier est redoutable d’humour.


La trajectoire d’Irène, affrontant sa déréliction, se découvre à nous avec espérance. Et avec l’humour, dont celui du paradoxe : Un métier ne fait pas le bonheur, qui ne fait pas l’emploi. France Travail vit autant la peur du chômage que du chômeur. Le public est attentif et ravi. « La tête sous l’eau » est un proverbe : seule l’humanité nous sauve.


La Tête sous l’eau de Myriam Boudenia
équipe artistique
Louise Vignaud – Mise en scène
Thomas Cuevas – Interprétation
Masiyata Kaba – Interprétation
Arron Mata – Interprétation
Alice Rodanet – Interprétation
Irène Vignaud – Scénographie
Nicolas Hénault – Lumière
Clément Rousseaux – Création son
Louise Vignaud – Vidéo


La Criée – Théâtre National Marseille au Théâtre de l’Œuvre
vu le 18 octobre 2024
Durée 1h

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