Schitz, Hanokh Levin mise en scène David Strosberg

1106633_schitz-de-hanokh-levin-en-un-cabaret-noir-a-la-bastille-web-tete-0204260168133 (1)Que serions-nous si nous parvenions à réduire au maximum notre instance morale ?

Il y a des personnes chez lesquelles l’attitude critique à l’égard de soi-même et des scrupules de conscience, c’est-à-dire des fonctions psychiques auquel s’attachent certainement une valeur sociale et morale très grande se présentent comme des manifestations inconscientes, et, comme telles, se montre d’une grande efficacité…..[1]

Que serions-nous si nous parvenions à réduire au maximum notre instance morale ?

La plupart des injonctions et assignations du collectif,  des identifications et des interdictions de l’individu est refoulée et en tant que telle domiciliée dans l’inconscient et de cet endroit organisent les résistances du sujet, à son insu.

Que serions-nous donc si nous parvenions à réduire au maximum notre instance morale ?

Et Freud conclut : ainsi, ce n’est pas seulement ce qu’il y a de plus profond en nous qui peut être inconscient mais ce qu’il y a de plus élevé… nouvelle démonstration que le moi conscient ne représente que notre corps[2].

Que serions-nous et que ferions-nous donc si nous parvenions à réduire au maximum ces deux digues que sont la culpabilité consciente destinée à être refoulée et la culpabilité déjà inconscientisée, sauf un corps dans ce qu’il est le moi conscient. Sans ces deux résistances, nous ne serions qu’un corps, le corps du mammifère, le corps du réel.

C’est cette hypothèse que Schitz promet de vérifier en explorant nos corps sous la seule aliénation de la demande de  nos égoïsmes et de notre mesquinerie.

Chez les Schitz, la cellule familiale est  inquiétante et dangereuse. La fille ne pense qu’à manger, le gendre à s’enrichir. Quant aux parents, ils sont accrochés à la demande de satisfaction de leurs élans égoïstes, à leur envie de petits-enfants, et d’un amant pour la mère ou de saucisson pour le père.

Par le biais du corps, la pièce, très riche interroge la maternité, la mort, le mariage, la transmission, l’héritage, la guerre, l’amour, le capitalisme, et sur ses sujets aussi, nous ne penserons plus pareil.

Le bon théâtre nous fait oublier très vite nos corps brisés dans nos sièges souvent inconfortables. Les comédiens de Strosberg, au contraire jouent à nous faire sentir, entre leur heureuse mascarade et leur irrécupérable sensibilité l’étrangeté familière de leur corps, et avec lui l’impolitesse de leur corps, et du nôtre, notre corps traversé, enchanté, par cette adrénaline du verbe et de la farce. On rit. Et l’on goûte cet excellent théâtre. On pense à Marthaller où Strosberg serait à l’autre bout de la même équation. Chez le premier le corps se rebelle érAtiquement par des soudains saignements, chez l’autre il se rebelle de façon ininterrompu, dans un continuum avec la logorrhée, en rotant dansant, en vomissant.

Dans un monde envahi par les injonctions et assignations morales Hanokh Levin  propose une expérience unique : se regarder droit dans les yeux. Sans psychologie, les corps deviennent monstrueux. On ne rêve pas chez Levin, pas de poésie ni de métaphore. Sauf une qui enterre toutes les autres: elle a fait de ma vie un mémorial de rêves évanouis.

Au génie de la mise en scène répond l’implication physique des comédiens. Nommons-les pour leur talent et pour cette gageure de la proposition que Strosberg leur a demandée de défendre. On applaudit le travail ininterrompu sur les corps (Strosberg a décidé de laisser ouvert l’impro) de Brenda Bertin, la fille, Bruno Vanden le père, Jean-Baptiste Szezot, le gendre, et Mieke Verdin la mère.

David Strosberg, aura tout compris, de Freud comme de Levin. Il explique dans sa note d’intention : il s’agit d’une pièce pour des corps sur des corps avec des corps.

Bravo!

Et plus loin que les corps abandonnés du surmoi respire son désir et le nôtre, le désir de théâtre.

 [1] Freud, le moi et le ça

[2] Freud, l’au delà

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