Macbeth, the notes, un combat jubilatoire.

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 Macbeth (The Notes) est non seulement une sorte de voyage chaotique dans le cerveau de l’artiste créateur, mais aussi un saisissant point de vue sur la dévotion obsessionnelle que peuvent engendrer les grandes pièces de Shakespeare et sur les mille et une manières pour parvenir à les mettre en scène.  Dan Jemmett

 David Ayala bondit sur scène, un grand cahier sous le bras, pour débriefer le spectacle après un filage. Ce débriefing, appelé les notes, est sujet de la pièce. En réunion post répétition, le personnage, seul en scène, nous adresse ses remarques, idées et autres détails à reprendre ; il est un metteur en scène au travail devant nous. Nous, le public jouons, malgré nous mais consentant, plein-feu,  une assemblée d’acteurs, assistants et techniciens.

Dans un spectacle tout en virtuosité et autodérision, David Ayala a rendez-vous avec le théâtre, et comme pour un premier rendez-vous amoureux, il va cacher sa pudeur et sa timidité derrière une exubérance et un cabotinage athlétique. Il en fait trop pour cacher sa passion obsessionnelle.

David Ayala a compris l’invitation du texte et s’emploie à nous détourner du psychologique du personnage, sous une bouffonnerie qui en cache plus qu’elle ne montre. Psychologie, je déteste ce mot prévient-il. Par des gesticulations des cris des clowneries et des grimaces trahissant sa pudeur et sa timidité, le personnage va nous raconter sa passion pour le théâtre, tentant de dissimuler sans y parvenir tout à fait ce en quoi cette passion a, comme toutes les passions, un versant de soumission et d’insatisfaction.

Alors il décrit, il raconte, il analyse, il métaphorise, jetant au loin les émotions de cette passion qui le consume pour le théâtre. Il y a un peu de Caubére dans son jeu physique et charnel. (David Ayala travailla, en stage sous la direction d’A Mnouchkine).

Tout est passé en revue : le lexique dramatique avec son jargon, cour et jardin, quatrième mur etc., les propositions et les enjeux de la représentation. On parlera de la haine meurtrière pour les critiques et les journalistes, du tropisme libidineux du metteur en scène pour ses actrices, des difficultés et exigences techniques, de la proximité avec le cinéma ou de sa cohabitation distante, du respect et toujours religieux et toujours rebelle pour le texte, de la musique, des problèmes de budget, de la jalousie immanente du metteur en scène envers les acteurs, des autres textes périphériques, de la question des rôles et de celle de l’emploi. Tout y passe, dans un exercice de style secrètement alimenté par une passion dévorante pour le théâtre, une rhétorique qui veut nous cacher l’essentiel.

Il n’empêche. Emportée par le texte, et par le public saisi en connivence et qui n’aura jamais cessé de rire, la pudeur cèdera dans une dernière scène finale, quasi hallucinatoire (et d’anthologie) où le théâtre déballe sa vraie nature : il est fait de chair, de sang et de l’esprit d’un texte. Tout passe par le corps et au fond, on l’aura compris, le théâtre est la vie.

Il y a un amour passionnel pour le théâtre chez ce personnage, et donc un ratage, une insatisfaction, car il en manque toujours quelque chose. Lorsqu’on œuvre à ce que l’on aime, nous dit Jemmet soutenu par le jeu de David Ayala, il a un défaut, une insatisfaction qu’on tentera de combattre passionnément et interminablement, en en tenant registre. Dans un grand cahier, sous forme de notes.

A l’issue de la pièce, David Ayala vient saluer en peignoir, comme un lutteur. Il vient de mener son combat pour et contre le théâtre, ses acteurs, Shakespeare, et au-delà pour et contre lui même. Si vous aimez le théâtre pour ce qu’il est de l’apologie superstitieuse et laïque de la vie, il vous reste encore quelques jours pour vous rendre aux Bouffes du Nord.

Adaptation    Dan Jemmett et David Ayala

Conception et mise en scène        Dan Jemmett

Collaboration artistique      Juliette Mouchonnat

Avec   David Ayala . Aux Bouffes du Nord jusqu’au 14 novembre.

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