Ténébreuse et troublante « La Nonne Sanglante » de Charles Gounod à l’Opéra comique.

Ainsi, pour notre plaisir, après le récent Domino noir, d’Auber,  le nom d’Eugène Scribe est de nouveau à l’affiche. L’opéra en cinq actes de Charles Gounod La Nonne Sanglante est l’occasion de confirmer Salle Favart l’adresse de mise en scène de David Bobée.

 

 

Un Contre-Œdipe de cauchemar

En Bohème, Agnès et Théobald doivent se marier pour sceller la réconciliation de leurs deux familles. Or Rodolphe,le frère de Théobald et Agnès s’aiment. Les deux amants décident de s’enfuir en profitant de l’apparition d’un spectre malfaisant: la Nonne sanglante. A la suite d’une méprise, Rodolphe jure fidélité à ce fantôme qu’il confond avec Agnès. Pour le libérer de son serment d’hyménée, la Nonne exige de lui qu’il tue l’homme qui l’a assassinée. Or, cet assassin se révèle être le propre père de Rodolphe…

Le texte est simple, véhiculaire avec des répétitions qui semble essayer de dire quelque chose;  la pièce est forte de cette difficulté à dire car elle est un cauchemar où un homme va devant nous décider ou non de tuer son père pour vivre son amour. L’intrigue décidera exactement le contraire.

Pour restituer cette tragédie il fallait l’immense talent de David Bobée, l’intelligence de Laurence Equilbey  et une implication radicale d’une troupe. Tout ceci est advenu.

Une mise scène cohérente.

Dans un décor sombre à la Chéreau et gothique façon Games of Thrones, des néons froids éclairent une bataille rangée où des soldats tout habillés de noirs ferraillent. Le prélude à l’Opéra est joué. L’atmosphère posée, ne nous quittera pas durant quasiment trois heures bien vite passées. L’opéra inspirée du roman anglais Le Moine de Lewis, fait un retour à son origine en plongeant dans le romantisme noir. Tout concourt à fabriquer le frisson. Laurence Equilbey propose une direction qu’on lui connait, déployant une force à la lisière de la  brutalité. Mais il y a aussi le décor cathédrale,  la scénographie empruntant parfois à une messe noire, les costumes gothiques et inquiétants, la danse du diable au début du troisième acte, les mouvements des comédiens chanteurs.

Le ténor Michael Spyres saisit la salle de sa voix pleine, le baryton André Heyboer même soufrant empli le texte de son énergie et de son talent. Le Chœur Accentus se montre splendide, dont Pierre-Antoine Chaumien (Arnold), Julien Neyer (Norberg), Vincent Eveno (Théobald). Les duos sont merveilleux dont le bref entre Olivia Doray (Anna) et Enguerrand de Hys (Fritz) ou ceux avec  Vannina Santoni (Agnés).  Marion Lebègue est une nonne grave et sensuelle. Et Jodie Devos en Arthur travesti ajoute le rire et le joyeux à cette partition. L’ensemble harmonieux est grandiose.

 

Aux saluts la salle laisse exploser sa joie et évacue ainsi la charge émotive et esthétique car La nonne Sanglante par David Bobée est une expérience absolue.

 

 

 

Direction musicale Laurence Equilbey | Mise en scène David Bobée
Avec Michael Spyres, Vannina Santoni, Marion Lebègue, André Heyboer, Jodie Devos, Jean Teitgen, Luc Bertin-Hugault, Enguerrand De Hys, Olivia Doray
Choeur accentus | Insula Orchestra

Crédits Photos  Pierre Grosbois

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