« Zone à étendre » fait évidemment référence à la Zone à défendre. Il semble s’agir d’une évocation poétique de la vie des zadistes et de leur credo politique. La pièce se révèle être une magnifique et touchante métaphore du théâtre dans ce qu’il oblige la vie et la création en communauté.
Une manière renouvelée du vivre ensemble.
La grande salle Louis Jouvet du Centre national supérieur d’art dramatique est entièrement drapée de velours noir. Les habitués imaginent les précieuses boiseries escamotées derrière ce parement. Dans un dispositif en arène, le plateau au centre est une bande de terre accidentée. Des personnages déjà sur des coins du plateau miment le monde moderne et ses occupations futiles. À partir du texte de Mariette Navarro qui propose une réhabilitation des zadistes diabolisés par les médias, les élèves de l’atelier de 3ème année ont mis en espace une rencontre d’individus bigarrés au milieu d’une forêt, terreau originel autant que futuriste d’un mode de vie à reconquérir autant qu’à réinventer. La force de la pièce et de son écriture plateau réside dans une réflexion sur la capacité au changement, au loin une idéalisée métamorphose de nos sociétés. Le propos est naïf cependant que la fougue et l’implication des jeunes comédiens obligent à imaginer réaliste ce changement de paradigme. L’homme parviendra-t-il sans verser dans un ridicule ou une radicalité à renouer avec la nature.
Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves
La pièce s’apparente à un exercice de cohésion de groupe. Les zadistes s’humanisent. Ils ne parlent plus d’une seule voix. Chaque individu est singulier, du plus grégaire au misanthrope acariâtre. Enchâssé dans ce récit il y a celui de la troupe de cette promotion du CNSAD. En creux on perçoit les questions et les tensions entre les comédiens eux mêmes, entre ceux de la communauté des artistes domiciliée en une forêt, lieu du phénomène de la création comme une végétation mentale. Et puisque Gérard Watkins, chef d’orchestre de ce joyeux songe utopiste connaît son théâtre, voilà que la troupe monte une pièce au sein de la pièce. Cette pièce sera une réplique modifiée mais tout aussi hilarante de la parodie de Pyrame et Thisbé du Songe d’une nuit d’été. La troupe des élèves comédiens prouve alors sa cohérence son talent et sa puissance comique.
Le spectacle onirique, admirablement esthétique interroge des formes alternatives de vie en collectivité et les formes alternatives d’art de la scène. C’est épatant. Et nous rassure sur cette promotion. Citons-les : fabuleux Logan Antuofermo, Clémentine Aussourd dans un rôle impossible, Salomé Ayache à la limite de la brisure, parfait Louis Berthélémy, admirable Adrien Dewitte, solide Ahmed Hammadi Chassin, lumineuse May Hilaire, lunaire Virgil Leclaire, puissante Margot Madani, plurielle Florence Mazot et éblouissante Lisa Toromanian.
Zone à étendre de Mariette Navarro par les élèves de 3e année du CNSAD, mis en scène par Gérard Watkins.