L’espéce humaine, une jolie pièce vintage à l’Opprimé

L’Espèce Humaine de Robert Antelme, mis en scène par Claude Viala, est présenté au Théâtre de l’Opprimé. La metteuse en scène se coule dans les mots de l’auteur et colle à une propagande révolue. Toutefois, la pièce sur la déshumanisation au sein des camps de travail nazis est bouleversante.

Le destin de Robert Antelme est unique cependant que pluriel. Démobilisé très tôt, il épouse le 23 septembre 1939 Marguerite Duras qui travaille alors pour une maison d’édition tandis qu’il obtient un poste à la Préfecture de police de Paris. Pendant la Collaboration, le couple participe à des organismes pétainistes. Toutefois, alors qu’il aide la résistance dans des circonstances non retenues par l’histoire, Robert est arrêté le 1er juin 1944 et envoyé à Buchenwald. Puis il est conduit à Bad Gandersheim, un petit kommando dépendant de Buchenwald, où il est logé dans une ancienne église désaffectée, à proximité d’une usine au sein de laquelle il vivra le destin des camps de concentration de travail. Le 29 avril 1945, les soldats de la 45e division d’Infanterie de l’Armée Américaine, sous l’ordre du général John T. Lewis, libèrent le camp de concentration de Dachau. François Mitterrand y localise alors Robert Antelme et organise son retour à Paris.

Robert Antelme a écrit sur son séjour le roman L’Espèce humaine, publié en 1947. Son seul et unique livre y montre des déportés qui conservent leur conscience face à la cruauté humaine. Il ne se veut pas un livre de témoignage, mais Robert Antelme y fait aussi un véritable travail d’élaboration littéraire. Il s’efforce, par une langue d’une grande simplicité et d’une grande précision, dans une économie littéraire très pure, de dire l’indicible de l’expérience vécue. Et il en profite pour le transformer en un manifeste à la gloire du communisme. Confondant dans un raccourci les camps de travail où une conscience politique pouvait encore survivre et les camps d’extermination où seule la survie physique comptait, le camp présenté dans le roman n’est pas libéré par les américains mais par les russes et le final ressemble à une pièce soviétique d’avant la mort de Staline: les regards de la troupe rassemblée fixant le ciel au son de la périphrase le vent se lève.

Tout au long de la pièce, le choeur des comédiens formidables se fait et se défait, chacun tour à tour incarne la poésie, le cri, la douleur, la générosité. La mise en scène est minimaliste ; elle reprend la façon MJC des années 60 avec une succession d’adresses au public et des mouvements déréalisés à vue. Ce choix de scénographie vintage permet d’entendre le texte qui est bouleversant. L’expérience du spectateur s’alimente de ce voyage dans le temps.

Claude Viala explique : Cette parole ardente, je la retrouve dans les mots du livre et c’est cette voix, la voix et la pensée de Robert Antelme, résistant jusqu’au bout, témoin à la fois de l’inhumanité dans l’homme mais aussi de l’unicité, de l’indivisibilité de l’espèce humaine que je voudrais absolument entendre s’incarner.

Cette parole ardente qui s’incarne sur scène vaut d’être entendue.

L’espéce humaine

Au théâtre de l’Opprimé du 05 au 16 janvier 2022

Du mercredi au samedi : 20h30 – dimanche 17h00

Texte : Robert Antelme

Avec : Geoffroy Barbier, Hervé Laudière, Rafael Perichon, Thierry Verin, Christian Roux/Vincent Martin

Mise en scène : Claude Viala

Visuel Affiche

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