Benoit Jacquot filme deux comédiens au travail, deux immenses talents, deux amis qu’il connait bien. L’intimité de la camera va éteindre les postures et dans une diptyque Huppert puis Lucchini se dévoile affrontant leur texte entre fascination et inquiétude.
Le cinéaste Benoit Jacquot a su filmer en coulisses deux monstres de l’acting. En avignon, en 2021 lors du festival, Isabelle Huppert se prépare à créer La Cerisaie, de Tchekhov, dans la Cour d’honneur du Festival d’Avignon par Tiago Rodriguez tandis que Fabrice Luchini répète ses lectures en public de Nietzsche, Baudelaire et Pascal. L’une butte sans cesse sur un passage précis qui se rebelle à sa mémoire : Le malheur est tellement invraisemblable que j’en viens même à ne plus savoir que penser. L’autre s’attarde avec gourmandise sur la phrase de Nietzsche : On a nécessairement la philosophie de sa personne, à supposer qu’on en soit une.
Luchini est grandiloquent cependant qu’on le découvre tendu, intimidé, chassant toute boursouflure qui viendrait recouvrir le sens des phrases, y ajouter une acception incongrue, y trahir l’auteur. Il se retire par un mouvement qui ne le quitte jamais devant le texte qui le terrorise. Huppert coince, ricoche sur les mots, feint le contrôle, se tait et s’endormirait presque à l’évocation de son trac. Le dévoilement est total, édifiant. Il sert à humaniser les artistes. Il sert à mieux comprendre.
Et l’on découvre combien ce métier que certains mal renseignés prétendent narcissique se constitue d’humilité, de solitude et d’intranquille exigence.
C’est épatant.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.