GRISELIDIS de CORALY ZAHONERO (Sociétaire de la Comédie Francaise). Spectacle suivi d’un débat en présence de la comédienne Coraly Zahonero, du fils aîné de Grisélidis, Igor Schimek, et de “la pute de Bruxelles” Sonia Verstappen .
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La prostitution comme un réel[1].
Seul l’amour permet à la jouissance de condescendre au désir[2], disait Lacan.
Mais à y regarder de prés, quelle angoisse !
Comme cette angoisse chez le client de la prostituée qui par sacralisation de la sexualité des parents, la désacralise avec une professionnelle, dans une alcôve tarifée. Et y répond l’angoisse chez cette professionnelle qui ne promet que ce qu’elle ne peut donner. La prostitution est une histoire d’argent qui passe par le corps et contourne l’amour. La psychanalyse, aussi cependant qu’elle passe par l’amour en contournant le corps. Reste le transfert, et ce paiement qui l’installe chez la prostituée ou le dédommage chez le psychanalyste. Et dans ce transfert, ça répète, tristement.
Grisélidis REAL interroge les questions cardinales de la psychanalyse :
Qu’est ce que le féminin ?
La prostitution n’est pas le plus vieux métier du monde mais l’échange de femmes, du corps de la femme constitue un fondamental des structures élémentaires de la parenté. Ce plus vieux terme de l’échange pose le principe d’inégalité et d’asymétrie. Mais alors, qu’est ce qu’une femme si elle échappe à la règle bourgeoise de la jouissance à disposition. Que devient une femme qui s’exonère du rapport de force et, en retour utilise son corps affranchi de ce rapport et chutant dans le réel, pour en poser un autre imaginé non par elle mais pour l’homme, ce client qui là s’imagine donc se trompe.
Et pour l’hystérique qui se constitue par le désir de l’homme mais aussi par l’élection par un homme, que devient une femme s’il existe des femmes au tarif connu, des femmes au rayon d’un supermarché de la prostitution où une femme en vaut une autre.
Qu’est ce que le corps ?
Nous savons, depuis Freud que ce n’est pas seulement ce qu’il y a de plus profond en nous qui peut être inconscient mais ce qu’il y a de plus élevé. Au fond quasiment toutes les injonctions toutes les identifications, toutes les interdictions sont refoulées et en tant que telles domiciliées dans l’inconscient. Ainsi elles organisent la résistance à l’insu du sujet.
Dans cette dialectique de l’imaginaire et de son symbolisé, dans la rencontre du client chargé de son fantasme et de la prostituée toute à sa précaution professionnelle nous pensons comme une einsicht à cette phrase de Freud : – nouvelle démonstration que le moi conscient ne représente que notre corps[3] , que la résistance du sujet ne décroche que dans ce réel.
Qu’est ce que le père ?
Un père, qu’il soit celui de la horde, celui de la suppléance de la mère, celui de l’Œdipe ou celui du Moise de Freud, est là où se décide l’économie sexuelle et l’application de ses règles. Qu’est ce que le père alors si Griselidis REAL, autonome et libérée de cette fonction haute du père (des noms du père ?) dispose de son corps dans l’imaginaire de ses clients, dans le symbolique de la relation marchande, dans son réel à elle, traversée par son discours mais sans en faire rien ?
Cette pièce se propose d’interroger la prostitution: Les partisans de l’abolition poursuivent-ils, par ce qu’Orwell appelait l’esprit de gramophone, la préservation et de cette fonction du père, et de la sacralisation de la scène originaire et de la règle de l’amphimixie asymétrique?
(©DavidROféSarfati)
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[1] La prostitution entre abolition et libéralisation est un sujet actuel du politique. Nous ne voulons nous s’y soustraire. Toutefois, nous souhaitons, dans les pas de Griselidis Real, nous intéresser strictement à la prostitution féminine librement consentie et, toujours en sa mémoire, considérons antiféministe primaire celui qui viendrait rejeter pour invraisemblable le consentement libre en cette matière.
[2] Séminaire L’angoisse. Lacan.
[3] Au delà du principe de plaisir, Freud 1920.
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GRISELIDIS
Coraly Zahonero conception, mise en scène, interprétation
Helene Arntzen saxophones
Floriane Bonanni violon
Vicente Pradal collaboration artistique
Virginie Merlin scénographie, costumes
Véronique Soulier-N’Guyen maquillages, coiffures
Philippe Lagrue lumières
Spectacle suivi d’un débat en présence de la comédienne Coralie Zahonero, du fils aîné de Grisélidis, Igor Schimek, et “la pute de Bruxelles” Sonia Verstappen .
Coraly Zahonero (sur Grisélidis, Spectacle créé au Théâtre du Vieux-Colombier le 23 mars 2013)
– J’ai conçu ce spectacle à partir des écrits et des interviews de Grisélidis Réal, prostituée, écrivain, peintre Genevoise, née en 1929 et disparue en 2005. Rencontrer les mots de cette femme a été un vrai choc pour moi. Un bouleversement. Ce spectacle est né de ma volonté d’incarner ses mots et de les mettre debout sur une scène. Dans un style unique, fait de gouaille rageuse et drôle et de poésie ciselée, Grisélidis Réal défie toutes les conventions, avec des mots terribles de révolte et de beauté qui tentent de démasquer toutes les hypocrisies de notre siècle et de changer le regard de la société sur ces femmes maudites mises au ban de la société, dont elle fut une égérie. Grisélidis a fait de sa vie une œuvre, transformant l’échec en réussite, sa prostitution en art, en science, en humanisme. Son prénom d’héroïne de conte, sa beauté exceptionnelle, son destin atypique et sa personnalité hors norme, en font un personnage de légende. Elle devient aujourd’hui un personnage de théâtre. Helene Arntzen aux saxophones et Floriane Bonanni au violon m’accompagnent au-delà des mots.
Coraly Zahonero
Coraly sur le site de LA COMEDIE FRANCAISE
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