« Je ne me souviens plus très bien » de Gérard Watkins, au Théâtre du Rond Point.

p183752_4 Il erre dans les rues en pyjama. Il s’appelle Antoine, mais il a oublié son nom. Il a quatre-vingt-treize ans, mais il a oublié son âge. Il sait qu’il ronfle. Il sait qu’il a été historien. Il se souvient des dates de l’Histoire si elle n’est pas la sienne. Il prétend qu’il a laissé son double, son autre lui-même, chez lui. Didier et Céline l’entourent. Ils lui demandent de gravir la marche d’un petit escalier. Test médical, ou épreuve de force. Mais Antoine perd un peu l’équilibre dans ce monde propre, sans germe, avec surveillance accrue et cachets pour tout. Didier est médecin, mais il pourrait être son fils. Il se transforme en chêne centenaire et perd à son tour la mémoire. Céline est psychiatre ou infirmière, elle pourrait être sa petite-fille. Elle aime jouer et prendre les traits de Natalie Portman. On aura compris que cette pièce nous parle de nos mémoires : la mémoire constitutive de nos vies en faisant le choix de conserver certaines choses,  tandis qu’il s’agit d’en oublier d’autres; la mémoire origine, celle de l’avant du sujet, la mémoire racine du chêne (on pense au chêne de Goethe);  la mémoire du devoir de mémoire, celle à partager, celle du collectif. p183752_1Et la mémoire à perdre, celle qui faisait trop de bruit et qui s’en va pour nous libérer; on ne racontera pas ici ‘la chute’ de la pièce. Sinon,  cette pièce (qu’il faut aller voir) parfaitement mise en scène, jouée par trois acteurs extraordinaires (un bravo appuyé à Philippe Morier-Genoud) réussit à prendre le parti d’un esthétisme signifiant, et nous donne à voir que sans cette mémoire qui nous quitte, les rapports humains se disloquent et,  comme ses séquelles, les non re-connaissances nous rendent fous…

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