Y a-t-il quelque chose de plus drôle que de se moquer de soi même sauf à le faire avec application.
Y-t-il quelque chose de plus drôle que de se moquer de soi même avec application sauf à le faire avec la plus grande mauvaise foi.
Et y a-t-il quelque chose de plus drôle encore que de se moquer de soi même avec la plus grande application et la plus consciencieuse mauvaise foi ?
Rien sauf à le faire entre amis et c’est précisément le propos de la pièce Trois Hommes dans un Bateau sans parler du chien, adaptée du livre de Jerome K Jereme (1889). Le roman raconte les aventures de George, Harris, Jérôme et le chien Montmorency, entreprenant un voyage en barque sur la Tamise. L’aventure donne lieu à diverses anecdotes comiques, mais aussi à réflexions philosophiques sur la vie, sur l’illusion de l’existence et de nos prétentions à lui donner un sens, sur la nécessité de ne pas charger de luxe la barque de sa vie afin d’emmener l’essentiel : Rends légère la barque de la vie et munis-la des seules choses dont tu aies besoin: un intérieur et des plaisirs simples, un ou deux amis dignes de ce nom, quelqu’un qui t’aime et que tu aimes …
Freud expliquait que le biais paranoïde se repérait dans la mauvaise foi et se traitait par le mot d’esprit.
A ce titre, cette pièce fait le tour du sujet!
Dans ce qu’il est convenu de donner à ce mot deux sens, le sujet en tant que personne et le sujet en tant qu’objet de la pensée et du discours.
Quant au sujet de la pièce proprement dit, il pourrait être énoncé ainsi : trois amis paresseux, misanthropes et velléitaires décident pour soigner leur vague à l’âme et leur ennui de ne plus se contenter de boire leur whisky et de s’auto diagnostiquer toutes les maladies connues dans l’encyclopédie médicale mais de faire une expédition en barque. Nous les suivons dans cette expédition burlesque, inutile et absurde où le désespoir semblerait s’épuiser dans les paroles, les sauts d’humeur et les querelles, alors qu’il se panse par la force de l’amitié.
Quant à l’insight de la pièce, je pourrai repérer les deux scènes, produits d’une misanthropie radicale où l’autre est ignoré, rejeté : d’abord la scène où Harris et Georges se battent dans le noir chacun pensant se défendre d’un ennemi imaginaire, ensuite la scène où Harris et Jérôme s’empoigne langoureusement pour une danse lascive, rappel qu’ il manque une femme ou deux à cette histoire Mais je décide plutôt dans une totale mauvaise foi, manifestement contagieuse de repérer l’insight dans une scène succulente de drôlerie où Philippe Lelievre (Harris) nous révèle de quoi il s’agit dans l’expression le “clou du spectacle”.
A ne pas rater donc car cette pièce est drôle, très drôle, mais pas seulement.