

Quel magnifique spectacle dans une joyeuse ambiance. Merci à tous ceux qui se sont joints à nous.
Il s’est dit, entre autre :
Nous sommes au Lucernaire, et pourtant cette pièce, une création, a quelque chose de classique au sens du répertoire, du patrimoine. Comme si nous la connaissions déjà. Au jazz, on dirait qu’elle est un standard. On imagine facilement que cette pièce va désormais vivre encore 10, 20 ou 120 ans.
Liens très utiles :
La langue Yiddish n’est pas une langue morte puis ressuscitée, elle a perdu beaucoup de locuteurs. Des vivants parlent des morts avec elle. A l’instar de toute langue vivante. Et des gens aujourd’hui vivent par et dans le Yiddish. Le Witz (et plus loin la psychanalyse) a été produit non en Yiddish mais par le yiddish. Freud explique qu’il connecte des histoires juives de façons très profondes au moment même où il invente la psychanalyse. Toute histoire en yiddish donne un repérage de la question du transfert entre des sujets qui parlent et des sujets qui s’écoutent. L’étude sur le transfert d’un Freud, compris comme un processus plutôt qu’une péripétie, est grosse de l’invention même de la psychanalyse. (d’après Max Kohn)
Dans WELT, la création du dibbouk conteur, le sujet qui parle, est ingénieux. Le dibbouk traditionnellement est un dibbouk maléfique. Lea et Hannan s’aiment au shtelt , mais à l’instar de Romeo et Juliette, leur mariage est impossible. Hannan est de basse extraction et devant cette union impossible Hannan se cloître dans son bureau et dans ses expériences cabalistiques. Une mauvaise manipulation. Il perd la vie. Lea a un nouveau prétendant de son milieu. Ils projettent de se marier. Mais avant la noce le dibbouk de hannan prend possession de Lea pour empêcher ce mariage. Le dibbouk est donc sur terre pour réparer les vivants, pour prendre sa revanche, pour prendre son dû d’une histoire mal terminée. Après une promesse non tenue sur terre, le dibbuk cherche à la réaliser sur terre venant de l’au delà. Le dibbouk conteur de WELT est un autre dibbouk, bienveillant. Il prend possession du corps de David pour nous raconter son histoire. Ainsi il nous exonère, il exonère David, d’abord de la dette de la transmission de la tradition, et ensuite il soulage David de l’obligation de la vérité; Il n’a plus à respecter une histoire que le seul fait de la raconter, de la transmettre modifie, traduit, trahi. Le Dibbuk conteur est seul responsable (DRS)
Il n’empêche. David Bursztein ne s’est consacré au Yiddishkeit qu’après une longue carrière de comédien de théâtre et de cinéma et de musicien avec son groupe Life is not a picnic. Max Kohn entend son serment fait aux morts et pose la question : Qui est il lorsqu’il se casse le pied à quelques jours de la première représentation?

Deux textes que nous avons reçus à la suite de la soirée :
Welt, un monde,disparu, celui de Roman Vishniac,d’Isaac Bashevis Singer,de nos mémoires et de nos familles,disparues mais vivantes. Merci David de leur avoir donné corps,leur matérialité invisible et malicieuse nous as habité, au son des dibboukim endiablés de votre intime et merveilleux orchestre . Bettina Sultan Katz, peintre.
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Dans la voiture qui me trainait jusqu’au Lucernaire, pour y découvrir ce spectacle dont je ne savais rien, sinon qu’il me plairait, un commentateur éclairé parlait politique et accusait François Hollande de laisser son premier ministre s’enfoncer… Insistant sur son coté retors, il a recours à la périphrase : « Il tire sur la corde du pendu » dit-il sans plaisanter…
La corde…Et moi je ne sais quelle corde invisible me tire, je ne sais quel déterminisme m’attire vers ce spectacle : « WELT » David Bursztein et son orchestre
Qu’importe, je brave tous les dangers, y compris celui du PV…
La lumière s’éteint et je découvre ce bel homme à la jambe cassée qui jongle, danse, habite la scène, trépigne et fait semblant de s’énerver…David Bursztein danse comme une poursuite lumineuse. Il s’agite, apostrophe le public, le tutoie, malmène ses musiciens… David nous promet des Dibbouks !…Mais à lui seul il les vaut tous…
Je ris, je pleure, et je découvre avec stupeur, que le Yiddish n’a jamais eu moindre secret pour moi…David noue ma corde en nœud coulant : c’est une source…Le nœud, les nœuds coulent comme un fromage polonais…Existe-t-il des fromages en Pologne ??…
Spectacle irracontable qui commence en cheminée finit en poing levé… David Bursztein maître d’œuvre et démon me rappelle tantôt Robin Williams, tantôt mon voisin de palier… Mais en même temps quelque chose dans son regard m’est familier…Je me demande à présent si ce n’est pas moi que j’y voyais….
Robin Williams qui finit pendu !!… Tout est connecté…Je suis pendu à la rage heureuse de cet homme, au patchwork d’images superposées…
Le Dibbouk ?…Je me souviens le film, une vague histoire de fantômes et d’amour perturbé… Ce qui me renvoie au magnifique « Peter Ibbetson »’ d’Henry Hattaway, film phare du surréalisme…Pourquoi ?…
Le spectacle de David est à la fois impressionniste en ce qu’il fonctionne par touches, et surréaliste, c’est une association d’idées. C’est à la fois dérisoire et sérieux, c’est musical mais rythmé, c’est désordonné mais maitrisé, improvisé mais mis en scène… Il donne sens au non sens.
Mais je cours un risque, à présent je le sais !… J’aurai forcément envie de revivre ce moment pétillant, sensible, intelligent…
Je quitte la salle…Une envie de hareng et de cornichon !… Va en trouver à l’heure qu’il est !… Un flic m’arrête. J’ai droit au PV… « Merci Mr l’agent »… Je lui souris de toutes mes dents… « Vous savez…Je pourrais vous immobiliser ! »… Non, il ne peut pas… (Alain Niddam, écrivain-poète)

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