Ils s’appellent Laheu et Blason. Ils habitent deux maisons jumelles, ce dernier avec sa fille, l’autre avec son fils. Les deux maisons ont une terrasse commune.
Les hommes ne changent pas et les rôles, entre eux, se repartissent pour toujours. Tout est déjà là toujours, cependant que les êtres refusent de se soumettre à l’imprévu. C’est le sujet de cette pièce comme un conte. Très énigmatique, cette histoire pose ce qui fait nos vies, ce qui circule entre les gens, malgré eux. Le texte de Vivaner décrit une danse à quatre personnages qui démarre par la mort d’un chien, un événement princeps rapidement échangé par du caviar et du champagne entre voisins.
Marc Paquien met en scène l’entre deux des dyades, père et fils, père et fille, et du couple Alice Ulysse, entre l’intime et le général, entre l’individuel et le social, entre le prévu et l’imprévu. Sa proposition se joue de tout cela, avec, ce qui ajoute à notre trouble, des comédiens d’un tel talent qu’ils semblent à peine jouer. Un bravo appuyé à Loic Mobihan et Alice Berger qui parviennent à jouer en harmonie avec les deux comédiens séniors, l’envoutant Patrick Catalifo et le quasi parfait Lionel Abelanski. Tout cela parait si réel, et chaque personnage, comme dans une tragédie mythique, fuyant un hypothétique destin funeste, répète, recommence, réitère sans cesse, chacun accroché à ses convictions, à ses fausses croyances. Seul, Ulysse, le fils, tracera son parcours initiatique; il se confrontera au monde extérieur, se confrontera à ce que l’on ne prévoit pas, tandis que les deux pères s’accrochent à l’équilibre précaire de leur vie.
Au fond, la peur du hasard nous enferme dans une bulle, celle de notre voisinage, d’une terrasse commune, d’où il est impossible de s’échapper. Il s’agit de névrose et du confort qu’elle sait procurer à celui qui la pratique depuis longtemps. Cette pièce rend compte de nos aménagements névrotiques et de ce qui s’échappe parfois d’amour entre les personnes. La secousse de cette pièce nous parcourt encore longtemps après les applaudissements. Une pièce à ne pas rater.
Mise en scène de Marc Paquien
Avec Lionel Abelanski, Alice Berger, Patrick Catalifo, Loïc Mobihan
Scénographie de Gérard Didier et Ophélie Mettais-Cartier
Lumières de Pierre Gaillardot
Costumes de Claire Risterucci
Son de Xavier Jacquot
Les voisins, au Théâtre de Poche Montparnasse.