Virginia Woolf au Théâtre de l’Oeuvre

Un couple de quarantenaires va lors d’une soirée arrosée affronter leur illusion commune pour la faire, enfin, chuter.

Sur le campus, George, professeur d’histoire raté et Martha, fille du doyen se livrent à une dispute conjugale où tout est remis en question. Dans une violente querelle cathartique, ils vont mener un jeu dangereux qui ne cessera que lorsque l’espoir rendra gorge. Face à eux, un jeune couple, leur lointain alter ego leur rappelle en miroir leur passé. À la fin de la soirée, une révélation insupportable fournit un moment fort qui choqua longtemps le public.

La pièce fut l’objet d’une adaptation cinématographique célèbre avec Élisabeth Taylor et Richard Burton. Assez peu montée en France elle est comme un classique et donc un piège. Alain Françon, le metteur en scène, Dominique Valadié (Martha) et Wladimir Yordanoff (George) ont réussi à éviter le piège et à restituer l’esprit du texte dans ce que cette pièce est une authentique histoire d’amour.

On a parlé d’une femme œdipienne concernant Martha sans interroger si c’est là sa pathologie ou son aménagement thérapeutique. On a vu en Georges un pervers narcissique affaissé sous le poids d’un idéal du moi effrayant. On s’est trompé à invoquer une fausse pathologie à la mode plutôt que de s’interroger sur ce que nous aurions fait à sa place entre une épouse insatisfaite et un beau père doyen de l’université. Ce couple dramatique mérite mieux qu’une étude sous forme d’une pseudopsychanalyse à la va vite. Il s’agit d’autre chose. Il s’agit de deuil et de déceptions. Il s’agit de la monotonie du quotidien et du rapport aux illusions. Il s’agit de ce que les êtres veulent faire partager à l’autre au sein du couple. Chaque désillusion, chaque déception s’est sédimentée lentement sur le pacte et le rêve originels. Martha et George doivent en passer par la destruction d’un secret commun qui fait tiers et qui a étayé leur couple. C’est ce moment de l’impossible, de l’inconnu que les deux comédiens par leur talent restituent si sûrement.

La mise en scène est très sobre, le décor crasse est minimaliste. Seuls comptent les mots. Car les mots qui ont créé vont détruire. Dominique Valadié est une magnifique Martha. Elle nous laisse sans répit, nous comme George. Wladimir Yordanoff sait nous rendre complices du chaos. Il assure de son talent la composition d’un George fort mais passif.

À la fin de cette soirée, Martha dit à Georges : alors seulement nous deux. Ils n’ont plus peur de Virginie Woolf, plus peur de vivre une vie sans illusions.

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