Panchika Velez s’empare de la pièce de Edward Albee Qui a peur de Virginia Woolf. Elle nous en propose une lecture au bout du compte optimiste, offre l’occasion à Frédérique Lazarini d’incarner une Martha déjà inoubliable et à Aurélien Chaussade d’être nommé au Molière 2019 de la révélation masculine.
La pièce est l’histoire d’une césure cachée. Sans spoiler d’avantage car une surprise attend le primo spectateur, durant une nuit bien arrosée un couple de quinquagénaires se déchire sous les yeux d’un jeune couple. Martha, fille du patron de l’université est mariée depuis plus de vingt ans à George, professeur d’histoire. Elle est une femme belle au caractère solide et si sa beauté est altérée, son tempérament violent reste intact. Georges son cadet de 7 ans est d’une intelligence redoutable et d’une tempérance inquiétante. À la suite d’une réception donnée par le père de Martha, Nick, jeune professeur de biologie arriviste est venu prendre un verre avec sa jeune épouse Honey une idiote faussement angélique.
Lors de cette nuit blanche les deux couples vont frotter leur inquiétude dans une partition ni tout à fait mondaine ni tout à fait partie fine. Chacun boira plus que raisonnable et mettra en contraste l’idée qu’il se fait du couple. Le titre de la pièce rappelle et prépare le leitmotiv chanté sur l’air du Qui a peur du grand méchant loup de Walt Disney par les personnages de cette soirée faussement enfantine .
Chez Velez, tout commence comme du boulevard. Mais lentement sous l’effet combiné de l’alcool et du jeune couple, catalyseur et miroir déformant, Martha et Georges vont précipiter une rupture fondamentale dans l’économie de leur couple. Le point de fusion passera d’abord inaperçu pour ensuite faire son oeuvre clandestinement jusqu’à l’issue. Panchika Velez nous installe devant une pièce d’aspect anodine pour nous transporter en douceur, mais avec efficacité vers ce qui va apparaître comme un exercice brutal mais plein d’espoir d’exorcisme de démons conjugaux. Le texte est puissant. Il traverse les questions du mariage, du couple, de l’hystérie, de la mascarade sociale, de la perversion, du narcissisme. Son choix d’une mise en scène discrète et de motifs scéniques épurés fait la part belle à l’interprétation des comédiens qui seuls durant deux heures haletantes soutiennent leur personnage et orchestrent la descente vers le chaos.
Les quatre comédiens défendent le texte avec intelligence et dans une harmonie contributive. Jamais ce texte puissant ne les écrase et Frédérique Lazarini authentique et talentueuse tragédienne donne au rôle de Martha une épaisseur et une partition tout à fait inoubliable.
Qui a peur de Virginia Woolf au Trois Soleils constitue un excellent choix pour le festivalier.
3 SOLEILS (THÉÂTRE / GALERIE)
à 22H00
4, rue Buffon
84000 – Avignon –
Copyright visuels :©photo LOT.