La Comédie Française reprend un texte écrit il y a vingt cinq ans par le metteur en scène et auteur catalan, Sergi Belbel. Le génie de Lilo Baur et le talent de la troupe du Français parviennent à gommer les aspérités machistes et misogynes d’un texte qui a mal vieilli.
Le talent de Lilo Baur et de Cécile Brune.
« Tout paraît petit vu d’ici ! » lance un des personnages. Nous sommes sur la terrasse d’un gratte-ciel de quarante-neuf étages où se retrouvent en cachette, le temps d’une cigarette, les employés et les directeurs d’une grande entreprise financière dans laquelle aucun fumeur ne saurait être toléré. Nous sommes dans un futur proche, dans un temps où les entreprises sont vertueuses en imposant des comportements exemplaires à leurs employés plutôt que d’en adopter pour elles même. En creux, la pièce raconte l’aliénation aux grandes entreprises et aux intrigues d’appareil. Chaque personnage est ambitieux et peureux, lâche et cruel. À l’écart de cette cruauté, ils se retrouvent sur la terrasse improvisée d’un immeuble de bureau, autour de la machinerie de la climatisation. Le décor est un choc esthétique et il figure parfaitement ce qui fait la force de la pièce: son extraterritorialité contributive. Elle se situe non au sein de la fournaise de l’entreprise, pourtant climatisée, mais dans un lieu extérieur tout aussi brûlant où chacun attend que la pluie advienne; la pièce se comporte comme un extérieur au récit même qu’elle défend et qui devient sous texte, nous sommes dans le vaste hors champ surprenant du monde. Le dispositif est magnifique. La troupe du Français connaît son art. En particulier, Anna Cervinka est incroyable de réalisme dans sa proposition de secrétaire blonde et stupide. Et Cécile Brune sans surprise, sauve tout dans un rôle cardinal qui construit et soutient la pièce.
Un texte démodé.
Le décor et la prestation de la divine Cécile Brune nous dédommagent, et c’est heureux tant le texte est d’un anachronisme insolent : le livreur de l’entreprise a la réputation auprès des trois secrétaires, gentilles idiotes, d’avoir un sexe plus gros que la normale ; une des trois secrétaires, la rousse lui demande de baisser son pantalon. À la vue de son entrejambe, elle lui demande : quand m’invitez-vous à dîner ? Le gag soulève l’estomac, les gloussements des hommes dans le public finissent de nous donner la nausée. Le texte aurait nécessité quelques aménagements pour coller à notre époque; l’humour machiste et misogyne ne lui sied plus, fût-il au deuxième degré.
Auteur : Sergi Belbel
Interprète : Véronique Vella, Cécile Brune, Alexandre Pavloff, Clotilde de Bayser, Nazim Boudjenah, Sébastien Pouderoux et Anna Cervinka
Réalisateur/Metteur en Scène : Lilo Baur
Scénographie : Andrew D. Edwards
Costumes : Agnès Falque
Lumières : Fabrice Kebour
Musique originale : Mich Ochowiak
Maquillages et coiffures : Catherine Bloquère
Collaboration artistique : Aoife Hinds