Samedi 6 Janvier 2018, 20H30,
au Théâtre de Nesle,
8 Rue de Nesle, 75006 Paris,
Métro Mabillon,
Premier Amour
de Samuel Beckett.
La nouvelle relate à la première personne la rencontre entre une prostituée et un homme déclassé. Elle commence par ces mots: J’associe, à tort ou à raison mon mariage avec la mort de mon père, dans le temps. La rencontre sera animée par David Rofé Sarfati et Claude Eisenberg. Réservation Obligatoire ici.
Avant Propos :
Premier Amour est une nouvelle de Samuel Beckett, écrite en 1946 et publiée en 1970. C’est l’une de ses premières œuvres. À ce titre elle est précieuse car elle augure ses futures créations. Ce texte de Beckett n’est pas une pièce de théâtre, mais un long monologue qui devient seul en scène. La pièce est montée en 2017 par une femme Mo Varenne qui écrit dans ses notes d’intention : Aucun évènement extérieur qui pourrait faire imaginer que l’acteur bouge. Le texte est une invitation au voyage intérieur. L’extérieur présent n’existe pas. Tout est souvenir. Le texte laisse une liberté totale à l’acteur et au metteur en scène, non pas d’une interprétation spiritualiste ou intellectualiste, mais celle de montrer un homme parlant du tourment d’exister.
Beckett inaugure dans cette œuvre écrite en français son désir de dire l’échec à dire. On y retrouve une écriture blanche à la façon de l’Etranger de Camus, l’humour en plus, un humour qui étaye son écriture de la psyché et du travail subjectivant de l’inconscient dont cet humour justement serait une production. Le tort qu’on a c’est d’adresser la parole aux gens.
L’histoire débute juste après la mort du père du narrateur. À cette époque, ce dernier se trouve chassé de sa chambre, lieu de refuge. Au fil de ses errances, il trouve asile sur un banc où, peu après, survient sa rencontre avec Lulu. Il accepte de suivre Lulu chez elle et y reste. Il s’y installe. À la naissance de leur enfant, il quitte Lulu et le domicile pour échapper aux cris du nourrisson. C’est finalement en cherchant à fuir Lulu qu’il prend conscience de son amour pour elle : il m’aurait fallu d’autres amours, peut-être. Mais l’amour, cela ne se commande pas.
Beckett décompose par la chimie de ses mots le réel, le corps de la femme dans son expérience de laboratoire. Mais les figures des vivants toujours entrain de grimacer avec le sang à fleur de peau est-ce des objets ?
Le narrateur personnage déclassé comme souvent chez Beckett raconte sa déréliction. Et sa défiance radicale vis-à-vis de l’amour qui aliène, qui ne se gouverne jamais sauf à partir d’un ailleurs et qui ne l’attrapera que dans un après-coup. Ce qu’on appelle l’amour c’est l’exil avec de temps en temps une carte postale du pays.
La pièce aborde le sentiment amoureux (et/ou le transfert) lorsqu’il est pris dans les conflits intimes. Le personnage s’autorise à une relation sexuelle (parce que) maintenant que son père est mort et fuit lorsqu’il devient père lui-même.
Beckett rend compte du vide. On se souvient de la phrase de Hamm dans Fin de Partie : Vous êtes sur terre, c’est sans remède. Dans un acte de création artistique il décrit l’éprouvé du vide souvent atroce. La pièce à laquelle nous assistons après la mort de l’auteur constitue une expérience de spectateur, celle d’attraper un peu du réel de Beckett. Dans cette histoire d’un personnage entre attente et retrait.