Avignon OFF : SPECULUM à la Condition des soies, loufoque et précieux

Lorsque quatre femmes trentenaires décident de discuter entre elles  de sujets « féminins », leurs échanges passent du coq à l’âne et  s’emballent sans se  départir jamais d’une curiosité joyeuse. De ce joyeux désordre est née un spectacle à trois comédiennes : SPECULUM, une pièce abracadabrante et sacrément édifiante.

 

C’est dans l’air du temps. Notre époque qui milite avec force pour l’égalité des sexes s’interroge désormais sur l’histoire et les raisons de l’injustice faite aux femmes. À cette marche vertueuse apparaît à l’horizon la question de la singularité de la femme et de ce que cette singularité biologique oblige elle aussi non à une égalité stricte de traitement, mais à une nouvelle vision à inventer, une vision débarrassée du patriarcat.  Puisqu’être une femme, c’est avoir un uterus, comment doit-on envisager, par exemple,  un acte de gynécologue nettoyé des réflexes masculins ? Par extension comment le féminisme modifie-t-il notre rapport au corps réel des femmes, ce corps médicalisé et manipulé par une médecine historiquement imaginée par des hommes ?

La pièce tente sans y parvenir tant l’entreprise est gigantesque de tenir inventaire des comportements à dénoncer, à proscrire, à amender. Elle veut rédiger dans un geste théâtral et sur le ridicule et le scandaleux de notre présent un manifeste d’une future gynécologie. Les trois personnages incarnés par Delphine Biard, Flore Grimaud et Caroline Sahuquet (repérée pour la pièce Matthieu(x) ) sont gaiement submergées par la multiplicité des sujets, la somme des impasses de pensées,  des convenances,  des conjectures  et de nos défenses psychiques. La mise en scène restitue admirablement le débordement. 

Les trois comédiennes ont choisi de coller à la réalité. Elles convoquent Benoît Groult ou Israël Nisan le célèbre gynécologue. Leur travail d’enquête aborde les grossesses, les fausses couches, le distilbène, les avortements clandestins. À chaque fois, la force du geste s’alimente d’une écriture faussement désordonnée, d’un naturalisme journalistique et surtout d’un jeu dynamique. Le récit de l’invention du spéculum est autant effrayant qu’hilarant.

La pièce ressemble à une longue improvisation bricolée, cependant que  le texte révèle par une finesse d’analyse une inventive mise à distance des thèmes abordés dans une nouvelle grammaire de l’humour. La salle  est  emportée par une farandole de mots et par une mise en scène joyeusement déstructurée, le précieux texte consolidant le tout. Une réussite à la hauteur du risque encouru. 

 

 

SPECULUM à La condition des soies à 12H45, durée 1H15

Visuel Affiche 

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