C’est autour de deux archétypes de l’histoire de l’humanité monothéiste, les frères – ici, c’est à propos d’Isaac, (celui qui rira) et d’Ismaël, (Dieu a entendu)- que s’organise la pièce où le décor et la gestuelle comptent autant, sinon (presque) plus que la parole. Va-t-on assister à un règlement de compte entre ces personnages emblématiques, ces deux « seulement demi-frères », comme se plaît à corriger avec insistance Ismaël ? Guillaume Buffard semble vouloir éviter l’affrontement et choisit de privilégier la rencontre et le dialogue, difficile mais non dénué d’humour entre les deux protagonistes, incarnés par d’excellents comédiens, qui ne sont autres que Guillaume Buffard lui-même et son complice, Jonathan Sansoz…
Le texte est sobre, à l’instar de l’écriture biblique, et l’on ressent par moments que les mots manquent pour le dire (comme toujours sur un divan !). Dire quoi ? L’amertume et le ressentiment de l’un, la culpabilité de l’autre et son sentiment de responsabilité ? La rivalité mise en acte… à l’origine, par le père adoré et absent, coupable de « lâchage » de l’un et de « filicide » manqué de l’autre?
Isaac se présente comme un personnage conciliant et pacificateur, demeurant fidèle à la maison paternelle, dont il serait le « gardien »? Ismaël refuse de s’y installer; il se pose homme du désert, en guerrier rebelle : subtil et adroit archer, il a l’œil et la main qui cible et qui écrit, aussi, cette histoire de père qui donne son titre à la pièce… Autre trace, tentative réparatrice celle-là, la lettre de Sarah, la mère, qui arrive, imprévisible, comme un « deus ex machina » !
Quelle trouvaille que cette représentation des protagonistes du récit par des figurines Play mobil ! L’image saisissante de la multitude du peuple symbolisé par ces petites statues m’a renvoyée immédiatement au monde des idoles du grand-père, de l’ancêtre Terah. Quels chemins improbables et impénétrables emprunte l’inconscient au travail !
Mais le 7 janvier 2023, au Théâtre Monfort, on n’en restera pas là ! L’après-spectacle continue dans la salle avec le public et la famille présente au grand complet et c’est le clou, l’évènement, l’inattendu ! On assiste, médusés, aux retrouvailles de deux frères qui s’étreignent sur la scène, un authentique « coming out », un moment unique d’émotion. L’auteur nous avait prévenus, son texte avait une inspiration autobiographique. Merci à l’équipe du bord de scène de cette mémorable soirée !
Théâtre et Psychanalyse, cela a pris là sens, consistance et vérité !
Aviva Cohen
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