La prostituée comme un mirage du féminin, le féminin est le piège dans lequel il se piège*.
Ce qui m’interroge chez Grisélidis Réal et à la suite de la pièce, est la question du féminin. Et pour comprendre ce qu’est le féminin dans son rapport à la prostitution il faut le distinguer de la féminité. La féminité c’est la représentation, l’imaginaire, alors que le féminin est ce qui résiste à la description et qui pourtant nous attire. Le féminin est recouvert par le voile de la féminité, le voile du fantasme. Le féminin c’est ce qui doit être reconnu par l’homme chez la femme prostituée mais qui ne peut jamais être comblé, comme un creux, un vide ….
La prostituée piège le fantasme de l’homme, alors ravalé au rôle de client. Elle devient un leurre et en devenant cet appât de la pulsion sexuelle elle se réduit aussi à la position d’objet sexuel, la question est alors de savoir où est la femme en tant que sujet ?
Donc où est la femme dans ce commerce, comment la prostituée fait pour exister en tant que femme (sujet total) versus la représentation de la féminité « objet sexuel » qui par définition est un objet partiel ?
Le féminin est un trou qui ne peut pas s’écrire, s’inscrire et qui pourtant nous capte. Le féminin est un trou bouché, recouvert par le voile de la féminité, le voile du fantasme. La féminité correspond à une jouissance locale et partielle qui correspond exactement au trou des orifices du corps, alors que le féminin correspond à un point ouvert à l’horizon sans bordure ni limite, diffus, sans attache, un mirage….
Je pose la question : la prostituée a-t-elle été reconnue à l’endroit du féminin comme fruit du désir, un désir qui ne tient pas ?
Elle cherche alors, dans une certaine confusion entre le réel (la jouissance) et l’imaginaire (le corps), à être reconnue non pas en tant que sujet de son propre désir mais objet du désir et de jouissance.
Dans la position symbolique de la prostituée il y a comme quelque chose qui se joue hors du « sujet », hors du féminin pour laisser place au corps sexué comme objet partiel.
L’hystérique ne peut pas consentir à se faire objet d’un homme alors que la prostituée satisfait les exigences objectives de l’amour. L’hystérique attend du père qu’il lui donne le signe qu’elle est aimée, pour qu’elle puisse se soutenir dans son manque à être et donc répondre à la question de ce qu’elle vaut. La prostituée, sur la scène du désir tente de trouver une réponse partielle à la même question, quelle est la valeur de cet être ?
Cette question de la valeur de cet être se pose sur fond de blessure narcissique, donc sur le fait que dans l’Œdipe la fille est dépourvue de phallus c’est-à-dire de ce qu’il faut dans le commerce à la mère.
C’est dans ce rapport imaginaire à la castration que la prostituée, par son manque à être, veut recevoir comme l’hystérique le signe qu’elle vaut quelque chose. Le pénis se substitue à l’amour chez l’hystérique là où il se substitue à l’argent chez la prostituée.
L’hystérique se plaint d’être un objet sexuel et elle pose la question de savoir ce qu’est une femme (confrontée au manque fondamental) ; la prostituée met en scène dans la réalité une réponse factice à cette question pour se soutenir comme femme.
Est-ce que la prostituée peut tenir cette position du sujet en tant que sujet divisé entre langage et jouissance du corps ? Ou bien s’est-elle constituée une position de sujet qui ne tient pas parce qu’elle recolle sans cesse les fragments de son histoire ?
C’est-à-dire, une lutte à l’encontre de ses failles, ses divisions qui la renvoient à des blessures encore plus profondes mais qui aussi la font tenir debout ?
* Texte de l’intervention de Margot Ferrafiat-Sebban au débat de la soirée GRISELIDIS
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