L’opérette est certainement passée de mode. La troupe « Les chasseurs s’entêtent » a bien décidé à nous faire découvrir, ou redécouvrir, ce style considéré désuet et ringard. La Veuve Choufleuri (dans cette adaptation, la veuve remplace le mari de la version originale de 1861, appelée Monsieur Choufleuri restera chez lui le…) est présentée comme une des œuvres les plus comiques d’Offenbach. L’intrigue est simple : une fille impose son amant à sa mère en la faisant participer à une imposture. C’est du Molière. Avec un narrateur en loufoque tête de cerf, un inévitable domestique sautillant et un cabotinage permanent, on est dans le vaudeville.
Le genre impose un humour de carabin. La grivoiserie n’est jamais loin, mais toujours bon enfant. Les rires du public, et l’on rit beaucoup, sont francs et clairs. La chanson Pedro possède une guitare bien bizarre est une perle de drôlerie.
Il y a aussi de l’esprit dans cette pièce. La veuve Choufleuri donne une soirée chez elle pour impressionner le Tout-Paris. Elle promet un concert d’opéra. Sans budget ni entregent, la mère, la fille et l’amant se travestiront en chanteurs italiens pour donner le concert promis aux invités. Le stratagème fonctionne et les invités n’y voient que du feu, croyant même reconnaître Maria Callas ; pour nous aussi ça fonctionne ou du moins presque. Le point d’orgue de l’intrigue est ce récital où les acteurs prétendent être des personnages qui prétendent être d’illustres chanteurs italiens. L’intrique du vaudeville se joue et se dénouera au sein de ce faux semblant.
Qui ment ? L’acteur de théâtre bien sûr, car il ment toujours à se grimer et à s’habiller pour donner vie à son personnage; ment ici aussi le personnage qui se déguise en un autre personnage, tout aussi imaginaire et nous mentons aussi, nous spectateurs qui jouons à y croire et à en rire. Le rire contient ce que nous ne voulons savoir et tient la construction imaginaire. Seule la tête de cerf s’époumone à nous avertir en vain que La Callas est morte. Car, et c’est là l’insight de cette pièce, le seul qui sait ne pas mentir reste l’auteur. Si c’est le rire qui tient l’édifice imaginaire et symbolique, c’est la performance éclatante de la troupe qui doit en être créditée. L’implication de chaque acteur est remarquable. Un bravo supplémentaire à Romane Coumes (qui rappelle un peu l’énergique Nadia Roz) qui mérite à elle seule les 70 minutes si vite passées.
Madame Choufleuri cabotine : Protéger les arts alors qu’on n’en a rien à faire, c’est sublime ! Quant à nous, découvrir du sublime par de l’opérette est épatant.
(©DROS 2015)
Auteurs : Jacques Offenbach – M. de Saint Rémy. Mes : Bussereau/Coumes. Avec : Marie Nadège BARTHAZON, Alexandre BUSSEREAU, Romane COUMES, Anthony FERNANDES, Renaud GALLISSIAN, Quentin WASTEELS, Ornella PETIT,Amélie SAIMPONT.
Du 26 Septembre au 26 Décembre 2015 : Théâtre du Passage Vers les Etoiles (11ème)
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