Des mots qui restent, le nouveau film de Nurith Aviv

Près de vingt ans après D’une langue à l’autre, Nurith Aviv tente à nouveau d »interroger ce que l’on appelle la langue maternelle. Une fois encore s’entrechoquent tradition, transmission et donc perte. 

Première femme directrice de la photographie en France reconnue par le CNC, Nurith Aviv a fait l’image d’une centaine de films entre autres pour Agnès Varda, Amos Gitaï, René Allio ou Jacques Doillon. Elle a réalisé une quinzaine de films documentaires,  notamment sur les questions de la langue son terrain de recherche personnel et cinématographique. 

Travail de mémoire et de transmission

Dans Des mots qui restent, six personnes évoquent le souvenir des langues qui ont bercé leur enfance, des parlers judéo-espagnols ou judéo-arabes ou  judéo-persan. Très différentes les unes des autres, ces langues ont toutes une composante hébraïque, et surtout un trait commun : elles ont été écrites en lettres hébraïques. Lettres qui, au fil du temps, ont peu à peu perdu leur usage et leur force. Aujourd’hui, ces langues sont en train de s’éteindre. Mais la résonance des mots, les mélodies, les rythmes, les accents ont inscrit des traces qui continuent à œuvrer chez celles et ceux qui, enfant, les ont entendues.

L’humour de Nurith Aviv

Six témoins, héritiers de lambeaux lexicaux survivants d’une langue utilisé par leurs parents, clament ces mots qui ont résisté à l’extinction des dialectes et de leurs locuteurs chassés de Salonique, du Maroc, d’Algérie de Libye ou d’Iran.  Implantés ailleurs, les parents ont transmis, souvent malgré eux des vocables, des périphrases, des accents ou des cantillations. Enfermés précieusement dans ces mots résident une histoire de famille et une histoire du monde. Une vision de la vie, aussi.

Ces héritiers racontent, sourire aux lèvres, leur attachement infantile à ces mots entendus chez leur mère, à ces mots qui ont traversé en son temps leur corps d’enfant alors qu’il est advenu que l’histoire a donné à ces enfants témoins une langue maternelle qui n’est pas la langue de leur mère.  Avec son humour d’auto dérision qu’on lui connait, Nurith Aviv filme chaque mot  comme claironné avec gourmandise puis associé à de vieilles photos en noir et blanc. La gloire de ces reliques inestimables est d’une aigre-douce arrogance alors qu’elle s’entremêle à un sentiment trouble d’une funeste disparition.  

Des mots qui restent, Nurith Aviv , sortie le 9 mars

 

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