Samedi 11 Mars à 19H00 : Créanciers de Strindberg à l’Epée de bois

 

Philippe Calvario est bien connu de notre collectif. Il jouait le mari de Nora dans Une maison de poupée mise en scène par Philippe Person et discuté au Lucernaire en décembre 2016 par Francoise Décant. Il met en scène la pièce de Strindberg.


Une maison de poupée

Créanciers de Strindberg


Mise en scène et adaptation Philippe Calvario
d’après la pièce d’August Strindberg
imaginé pour
Benjamin Baroche / Gus (Gustave)
Philippe Calvario / Al (Adolphe)
Julie Debazac / Tekla
Collaboration artistique et pour l’adaptation Marlène da Rocha
Lumières Bertrand Couderc
Costumes Coline Plocquin
Son Christian Chiappe


 

« Créanciers » est pour moi  une ronde à la fois amoureuse et destructrice entre 3 êtres : deux hommes et une femme au centre des deux.
Strindberg, au moment où il écrit la pièce, est en pleine rupture amoureuse et les échos dans les questionnements et la douleur des personnages sont évidents.

Ce qui me touche depuis toujours au coeur de la pièce, c’est la présence de l’art, de la création, et le fait qu’elle raconte des artistes et leur questionnement. Tout comme La mouette, que j’ai déjà monté.
Dans la version originale Adolphe (que je rebaptiserai AL) est un peintre en mal de création qui se met à sculpter. Tekla est écrivaine, tandis que Gustav est professeur.
Dans cette adaptation que je propose, Julie Debazac sera une actrice sortie du Conservatoire National de plus en plus aspirée par le cinéma et qui se désintéresse des mises en scène de son mari. Benjamin Baroche, sera un acteur reconnu (ce qui a permis la rencontre avec AL) mais dont son ex-femme cache l’identité dans sa biographie. Le faisant passer pour un homme qui a raté sa vocation. Enfin, je jouerai un metteur en scène de théâtre qui a démarré fort mais dont le désir s’émousse.

Volonté de contrôler l’autre, jusqu’à la domination parfois ; il s’agira de pouvoir montrer tout cela.

À leur rencontre, Al « dominait » Tekla professionnellement et intellectuellement, puis peu à peu, sa force créative s’est épuisée jusqu’à ce qu’il tombe dans un oubli de la profession, tandis que Tekla est devenue une actrice célébrée et reconnue. Elle ne vibre dans la pièce que dans ses désirs, c’est ce qui la rend de loin la plus lumineuse des trois. Une Marylin qui connaîtra aussi son heure tragique à la fin de la pièce. Les hommes sont beaucoup plus perdus et flous dans leur désir, il s’agira aussi de pouvoir montrer ces différences vibratoires.

Difficultés à circuler dans différents espaces artistiques, sans souffrir des préjugés de la profession elle-même : autant de questions que cette pièce me permettra d’aborder dans cette nouvelle adaptation. Il s’agit bien sûr de restituer au plus vif le rapport de forces et de destruction que nous présente Strindberg.
Le besoin de succès et de reconnaissance, sa fragilité, questionne et renforce les failles et brisures du couple ou plutôt des couples de la pièce.
Car ce jeu cruel entre couples s’avère assez vertigineux. Bien sûr, il y a le couple actuel (Tekla et Al), l’ancien (Tekla et Gus), mais pour finir, un troisième couple se construit, celui formé par les deux hommes…

Philippe Calvario

Créanciers : Une pièce  glaçante sous forme d’une expérience de laboratoire enchâssée.

Le rideau se lève dans un mouvement de dévoilement et au dessous de ce dévoilement une intrigue à la Pinter autour d’un trio amoureux qui va traverser le dépit amoureux, l’emprise rageuse, la cruauté des êtres, le triolisme, l’inceste et la jalousie.

C’est étrange, mais j’ai parfois l’impression qu’ elle n’existe pas en dehors de moi, qu’elle est une partie de moi-même, un viscère qui aurait absorbé ma volonté, ma joie de vivre ; il me semble avoir déposé en elle le nœud vital dont parle l’anatomie.

Toute créance ne fait pas dette, sauf du mépris.  

La critique du patriarcat et la misogynie de Strindberg ont perdu de leur actualité mais il reste le mépris qui génère du ratage. La vengeance voulue par Gustaf se nourrit d’une créance qu’il exhibe à son ex-femme. Mais les créanciers sont pluriels. Tekla elle-même qui joue une niaiserie de faux semblant n’en finit pas de réclamer son dû. À Adolf aussi, Gustaf demande vengeance. Seul celui-là ne semble rien vouloir.  Aussi, il se joue entre les personnages un jeu de dupes alimenté par le mépris qui circule, un jeu nourri par un amour qui se censure.

Le final donnera le dernier point d’arrêt à cette couture noire des relations amoureuses. Après que l’on eut entendu le magnifique texte de August Strindberg sur l’amour, sur le mépris et sur nous même reste le frisson.

(David Rofé-Sarfati)