Dans les jardins du Palais Royal, à l’endroit où en 2012 s’était édifié le Théâtre éphémère de la Comédie Française, en plein air cette fois et au milieu des colonnes de Buren se joue une adaptation libre d’un Shakespeare : Mesure pour mesure. Jamais le théâtre immersif fut aussi contributif de notre plaisir et de nos pensées bouillonnantes.
Un faisceau de dilemmes à la Shakespeare
Mesure pour mesure doit sa célébrité à ce qu’il représente un concentré de l’art Shakespearien pour la rhétorique, pour le raisonnement paradoxal et pour les cas de conscience. On y voit sans cesse s’intriquer les questionnements philosophiques, les exigences de la cité et les conflits psychologiques. L’argument est complexe : la cité est envahie par une épidémie de peste. Le duc Vincentio quitte la ville (ou du moins feint de le faire) et confie les rênes du pouvoir à son très jeune ministre, Angelo, modèle de rigueur et de vertu. Le jeune gouverneur impose à la ville sa rectitude mentale. Les théâtres, les maisons, les cabarets sont contraints de fermer. Prostituées, maquereaux et rabatteurs subissent les coups de la loi. Les couples illégitimes sont condamnés à mort ou à l’exil. La vie des citoyens s’écrit dès lors avec souffrance sous cette religion de la vertu, aussi inflexible que cruelle. On pense à la police des mœurs de certains pays et à leur religion excluante.
Sauf que la réalité des êtres rattrape Angelo. Lorsqu’il rencontre Isabelle, son désir est plus fort que lui, et il se met à abuser de son pouvoir. Le tyran devient despote, et bien moins intègre.
Immersif
Invités à déposer nos mobiles à la conciergerie, à chausser nos masques de bal puis à déambuler entre les lieux des scènes, nous sommes transformés en spectateurs mobilisés et impliqués. Pris au piège (avec bonheur) du dispositif, nous voilà obligés de prendre position, de pratiquer en secret la dialectique shakespearienne pour construire sa propre opinion. La proximité avec les personnages interdit les opinions paresseuses, faciles ou radicales. Nous sommes au centre de la question. Une loi du talion mal comprise et pratiquée par contrefaçon dégueule devant nous douleurs et injustices. Qu’en pensez excepté une énigme ? L’humour omniprésent et la scène finale (somptueuse) à la Molière nous sauvera.
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