Belle Soirée Camus,

lec6Comme toujours au TEM, la scène si proche du public, le quatrième mur à peine palpable obligent les comédiens à une interprétation rigoureuse et à une congruence achevée entre corps et discours. On ne cabotine[1] pas à l’Espace Marais et merci en particulier à Joseph Morana et Philippe Houillez qui maîtrisent l’art de cet ajustement si difficile à saisir. La représentation fut donc un vrai plaisir.

Lors du débat,  Joseph Morana nous avoue comment Albert Camus lui parlait de son propre père, de sa propre mère. Il nous a fait mesurer comment Camus, fameux écrivain  a des choses à nous dire, à nous révéler, des choses qui parce qu’il est un grand artiste, le dépasse, et l’anticipe dans notre intime.

Des passages du livre de Kamel Daoud ont été lus, apportant la preuve que le Goncourt lui revenait. Il faut lire Kamel Daoud. Et  les mots de Camus, dans une occurrence aussi mystérieuse qu’évidente fait lien entre Kamel et Joseph, entre Kamel, Joseph et nous.

Lorsque nous nous sommes penchés sur l’écriture blanche, nous avons repéré, grâce à l’intervention de Nadine Schulmann,  dans cette écriture narrative, descriptive, plate,  poursuivant le silence des émotions, les stigmates improbables et en creux d’une âme blessée.

Meursault, sans père, élevé par une mère non contenue est un authentique assassin au vue de la loi et pourtant nous répugnons à le voir comme un meurtrier car peut être il n’a pas tué l’arabe proprement dit mais quelque chose du père, ou quelque chose de la mère, ou dans un hubris, quelque chose des deux. Et peut être qu’ailleurs,  l’arabe, métaphore du père, est le père de l’Algérie indépendante.

Nous avons reconnu dans l’interprétation de Joseph mise en scène par Sissia buggy, ce choix de l’affect et de l’abréaction où les signifiants ‘liberté’ et  ‘soleil ‘(on pense au Président Schreber soumis par les rayons du soleil) opèrent sur le corps de Meursault.

Qui est cet étranger?

Nous avons essayé d’y répondre au cours de la soirée: Meursault est étranger à lui-même.

Merci à tous pour cette soirée.

[1] Cabotinage est un terme de théâtre : il s’agit d’un jeu prétentieux, trop marqué et trop extérieur d’acteurs sans talent.

(©DRS)