Soirée “La Peur de Vaincre”

imageJérémie Graine à l’étroit dans sa tête, représentation en théâtre à domicile  devant des professionnels du recrutement en présence de candidats en recherche d’emploi. La pièce puis le débat ont abordé la question de la peur de vaincre.

Les hommes deviennent névrosés, écrit Freud, par suite d’un non collage entre les désirs de l’individu et le moi en ce que ce dernier est composé en particulier des instincts de conservation et de l’idéal que l’individu s’est assigné à lui même. D’où cet étonnement lorsque certaines personnes tombent parfois malades justement alors qu’un désir profondément enraciné en elles vient à se réaliser. Freud explique : Il suffira de distinguer entre privation extérieure et privation intérieure pour comprendre. La privation intérieure subsiste, lorsqu’elle reste active alors que précisément la privation extérieure a fait place à la réalisation du désir. La privation intérieure, mère de la névrose n’entre en action que lorsque la privation réelle extérieure, en se retirant, lui a cédé le terrain. Alors, en premier lieu, une conscience morale va interdire au sujet de tirer de l’heureux changement réel le bénéfice depuis longtemps souhaité car de proche en proche le fantasme que le sujet fomentait, son moi idéal, aura un noyau culpabilisant, oedipien. Et, en second lieu, l’habitude chaude et apaisante des bénéfices secondaires de la privation que sont en particulier les conduites de compassion de son entourage,  va refuser au sujet de plonger dans le succès.

Nous pouvons appliquer ces deux dispositifs à ceux que nous observons échouant leur entretiens d’embauche, contournant sans cesse le succès pensé comme une contingence aussi proche que insaisissable.

Dans la pièce de Jérémie Graine, la chance fauche le héros, comédien abonné aux figurations, sidéré par une proposition de Mr Spielberg. Sa première réaction est de lister toutes les raisons qui s’opposeraient à accepter le rôle, la peur signe sa présence. Sa deuxième réaction sera de se projeter dans un rêve de grandeur et de toute puissante. Sa décision d’accepter le rôle se fera au prix de ce voyage hallucinatoire où tous les doutes seront abordés et dissous.
L’effet Spielberg est double. D’une part, le refus du retour du refoulé s’articule par la crainte consciente de se confronter à sa propre mauvaise foi, son propre mensonge, et par la crainte inconsciente de se laisser envahir par la culpabilité associée à la réalisation de son fantasme, Alors, fumer de l’opium avec Pamela au volant d’une Porsche, dans la pièce de Graine illustre l’interdit de ces deux transgressions.

A l’autre bout de l’équation, le personnage est terrorisé par la peur de perdre sa position de raté, car elle entraînera la perte de l’amour addictif reçu au titre du loser.

Les deux aspects sont résumés et intriqués à la pulsion, par une menace, comme un cri, pivot du discours :

– pour finir tu oublieras l ‘anniversaire de ta mère !

Je pose, à l’instar du texte de Graine, l’allégorie du double : une instance du moi est un loser attendrissant, l’autre instance est un winner exubérant et poli-transgressif. Vaincre serait perdre et les caresses de la compassion réservées au loser et dans le même temps faire céder le refoulement du désir fou et incestuel du winner.

Échouer sera la stratégie des deux instances. Voila pourquoi Monsieur,votre fille est muette, écrivait Molière. La peur de vaincre est là.

20150827_194821Au cours de la soirée, grâce au dispositif de la représentation suivi du débat avec la salle, nous avons pu élaborer et échanger en espérant que désormais cette compulsion à l’échec de certains candidats puisse être mieux entendue. Merci à l’équipe de Odyssée Rh, à Jérémie Graine et aux participants de la soirée.

(©DRS)

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